Cité Blanche Gutenberg

Cité Blanche Gutenberg

Au détour d'une histoire de foot : entre défi et découvertes

Septembre 1984, il y a presque 30 ans, depuis le RER, j'empruntais à pied pour la première fois l'avenue Hoche pour me rendre à l'entrainement de foot de mon nouveau club l'AS Chabab de Nanterre.

Je venais d'entrer dans une zone désertique qui ne l'était pas tant que cela : sur ma droite, un immense terrain vague, d'énormes piliers d'un pont, des carcasses de voitures, quelques jeunes assis sur une pile de vieux pneus et des gamins qui jouaient au foot,. Un peu plus loin, des cabanons et de longs bâtiments délabrés. Des gens devaient certainement vivre ici puisqu'il y avait aussi du linge qui séchait. Je continuais mon chemin à la recherche du stade Georges Hany.

Ce n'était pas compliqué, il suffisait d'aller tout droit jusqu'à la fin du monde (après, il y avait la Seine) pour enfin trouver un rectangle d'herbe sans éclairage et deux cages entourés d'une clôture en ciment. " C'est le seul terrain que la mairie a bien voulu nous attribuer " m'explique Nourredine Gafaiti, le président. Moi qui venais d'abandonner le beau gazon bien entretenu du RAC (Rueil Athlétic Club), je compris alors que la tache serait difficile. En plus d'une équipe où il y avait tout à faire parce que nouvellement créée, il faudrait aussi faire avec des installations plus que vétustes.

Le foot, c'est juste un prétexte pour prouver aux jeunes du quartier qu'il y a autre chose à faire que de traîner à ne rien faire. " J'ai besoin de toi comme ambassadrice pour expliquer que le sport est une formidable école d'intégration et que les filles, elles aussi, peuvent taper dans le ballon."  Voila comment Nourredine, en bon commercial, m'avait convaincue de me lancer dans un projet ambitieux mais pas si facile que ça à mettre en place.

 

Lydie sous les couleurs du Chabab de Nanterre

Il fallait démontrer à tous ces hommes un peu machos, pères et frangins, que le football ne leur était pas réservé, qu'il existait aussi une Fédération Française de Football féminine avec son championnat et sa coupe de France, et à l'époque, je vous assure,  ce n'était pas gagné au risque de passer pour un garçon manqué.

C'est, accompagnée de Nourredine, que je pénétrais pour la première fois sur le grand terrain vague, le linge qui séchait était bien celui de familles qui vivaient là, à Gutenberg la cité blanche. Il venait de pleuvoir et il était impossible d'éviter la boue et les flaques d'eau. Des gamins, il y en avait partout et surtout tout le monde me regardait. Nourredine, lui, était en terrain conquis, il serrait la main de chacun. " Voici Lydie, une féminine, il faut que votre fille vienne s'inscrire ". Les réactions des parents ne se faisaient pas attendre : " Je ne veux pas que ma fille s'exhibe à moitié nue. " Je tentais d'expliquer qu'il suffisait d'enfiler un bas de survêtement sous le short et qu'il s'agissait uniquement de sport. Dépitée et déçue, je pensais déjà que nous n'aurions jamais une équipe complète et que notre engament dans le championnat était compromis alors que, Nourredine était beaucoup plus optimiste.

Il avait raison, à chaque entrainement de nouvelles filles arrivaient. Il fallait maintenant apprendre les règles et la technique (notamment d'arrêter de taper dans mes tibias plutôt que le ballon). Sur le chemin de l'entrainement, chaque semaine je passais prendre les filles à la cité qui était presque devenue la mienne. Les garçons qui venaient "surveiller" étaient devenus nos supporters et nous n'étions pas peu fières de les entendre nous applaudir quand nous venions à marquer un but !

C'est sur, nous n'avions pas le niveau pour gagner la coupe du monde mais Nourredine était fier de son équipe féminine et le criait à qui voulait l'entendre. Plus tard, je rejoignais les garçons à l'entrainement, suivie de Malika. Plus physique que le notre, l'entraineur ne nous ménageait pas. Qu'à cela ne tienne, nous non plus, nous ne ménagions pas les garçons. J'en connais certains, n'est-ce-pas  Mohamed Selmet joueur de l'équipe première, qui doit  se souvenir de la rudesse des tacles conjugués au féminin  ?

Voilà comment est né le foot féminin à Nanterre dont un grand nombre de filles étaient issues de la cité blanche de Nanterre.

 

Chris HELSEY (Lydie)



12/05/2013
6 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 358 autres membres